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Syrie : la chute de Bachar el-Assad, un mélimélo d’intérêts ?

En Syrie, les rebelles ont renversé Bachar el-Assad le samedi dernier, après une offensive éclair. Saluée par une grande partie de la communauté internationale, la chute du régime syrien pourrait être le fruit d’efforts communs de pays aux différents intérêts.

Les rebelles syriens, conduits par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham, ont renversé Bachar el-Assad le samedi 7 décembre, après moins d’une semaine de combats. Le désormais ancien président a fui la Syrie pour se réfugier en Russie, pays qui l’a soutenu militairement depuis 2015, mais qui n’a pas pu empêcher sa chute.

L’Ukraine avait tout intérêt à mettre la Russie en difficultés en Syrie

Cette victoire militaire de la coalition rebelle met fin à cinq décennies de règne sans partage de la famille Assad. Elle pourrait être le fruit d’efforts communs de pays aux différents intérêts. D’abord l’Ukraine, qui avait tout intérêt à mettre la Russie en difficultés en Syrie pour obtenir un relâchement de la pression russe sur son sol. Moscou ayant certainement senti le coup n’a pas apporté un grand appui à l’armée syrienne en débâcle, hormis quelques frappes aériennes dans les premiers jours.

Moscou accuse Kiev d’avoir favorisé le renversement de Bachar el-Assad

L’ambassadeur russe à l’ONU a dit détenir des preuves de l’implication de Kiev dans l’offensive rebelle, avec notamment la présence d’agents du renseignement ukrainien, le GRU, l’utilisation de drones et une expertise des rebelles dans le maniement de ces appareils. Tout cela a un air de déjà vu avec la déroute de Wagner à Tinzawaten, au Mali, en juillet dernier. Bamako et Moscou avaient accusé l’Ukraine d’avoir appui techniquement les rebelles maliens lors de cette embuscade sanglante.

Bachar el-Assad posait problème au voisin turc

L’autre pays qui a certainement contribué à la victoire du HTS en Syrie c’est la Turquie. Le puissant voisin n’a pas engagé de troupes dans l’offensive victorieuse, mais on sait qu’il soutient des rebelles syriens. Ces combattants pro-turcs ont pris part à la bataille qui a permis de renverser Bachar Al-assad. Ankara a d’ailleurs plusieurs motifs de chasser le dictateur syrien.

La Turquie cherche à rapatrier les réfugiés syriens

D’abord la Turquie cherche à rapatrier les plus de trois millions de réfugiés syriens qu’elle abrite. Ce retour des exilés est devenu une priorité du gouvernement turc, et une source de tension avec Damas. Depuis 2023, le pouvoir de Recep Tayyip Erdogan expulse de manière quasi systématique des Syriens vers le nord de leur pays. La Turquie pourrait également profiter de la nouvelle donne pour intensifier sa lutte contre le PKK présent dans le nord-est de la Syrie. Bachar Al-assad refusait de coopérer pour combattre ces miliciens indépendantistes.

Israël veut desserrer l’étau de l’« axe de la résistance »

Par ailleurs, le gouvernement turc souhaite obtenir les principaux contrats pour la reconstruction de la Syrie. Les sociétés turques de BTP, notamment les cimentiers et les sidérurgistes, sont déjà très implantées dans le pays. Leurs actions ont bondi en Bourse au lendemain de la chute de Bachar Al-Assad. Un autre acteur, qui pourrait profiter de la fin du régime syrien, c’est Tel Aviv. Israël veut affaiblir l’« axe de la résistance », composé de l’Iran, de l’Irak, de la Syrie de Bachar, du Hezbollah et du Hamas.

La guerre en Syrie, une guerre des pipelines

Cet axe chiite et alliés (comme les Alaouites de Bachar Al-Assad) a pour projet d’enserrer Israël, dans une forme de guerre d’usure régionale. Mais l’Etat hébreu a profité de l’attaque du 7 octobre pour desserrer l’eau en frappant le Hamas à Gaza, avant de faire très mal au Hezbollah en novembre dernier. Enfin, un autre pays qui a pu soutenir les rebelles syriens est le Qatar. Une théorie veut que la guerre en Syrie soit alimentée par Doha à cause de ses projets de pipelines et de gazoducs. De par sa situation géographique, le pays de Bachar Al-Assad peut jouer un rôle crucial dans le transport des hydrocarbures.

Bachar Al-Assad empêchait la construction d’un gazoduc du Qatar

Le Qatar avait envisagé de construire un gazoduc passant par le territoire syrien afin d’accéder au marché européen. Mais ce projet s’est heurté à celui du concurrent, l’Iran, que le régime de Bachar Al-Assad préfère. Le départ du président syrien était donc nécessaire pour le mettre en place. Mais ce n’est pas gagné pour le Qatar avec les nouveaux maîtres de Damas. Les Etats-Unis et l’Union européenne pourraient cependant peser dans la balance en convainquant les rebelles d’ouvrir la voie. Abou Mohammed Al-Joulani, le leader des combattants, a déjà assuré de ses bonnes intentions envers tous.