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Crowdfunding : un dixième anniversaire en pleine crise

Photo de Ibrahim Rifath sur Unsplash

Le crowdfunding, ou financement participatif, fête cette année son dixième anniversaire en France. Alors que cet évènement devait se célébrer avec enthousiasme, il est marqué par le désenchantement. En effet, le secteur traverse sa première véritable crise, avec une augmentation des retards et défauts de paiement notamment.

Les anniversaires sont censés être joyeux, mais tous ne le sont malheureusement pas. C’est le cas des dix ans du crowdfunding en France. Acté par la création de deux agréments nationaux en 2014, le financement participatif a connu un essor fulgurant en une décennie. Le marché est passé de quelque 200 millions d’euros levés en 2015 à un pic de 2,4 milliards en 2022.

La collecte globale du crowdfunding a replié de 25% au premier semestre

Mais la hausse des taux d’intérêt a porté un coup à cette expansion sans heurts et fragilisé le système. D’après le baromètre du marché semestriel, établi par l’association Financement Participatif France (FPF) et le cabinet Forvis Mazars, la collecte globale, tous segments confondus, a replié de 25% sur les six premiers mois de 2024 par rapport au premier semestre de l’année dernière. Une première en dix ans.

Un tiers des projets en difficultés dans le segment immobilier

Le segment immobilier, tête de pont du secteur avec près de 56% des montants financés l’année dernière, souffre particulièrement de cette crise. Un tiers de ses projets connait des difficultés. Les retards de plus de six mois atteignent 20% et les procédures collectives 6%. Quant aux pertes définitives, elles ont augmenté de 2 à 4%. Au niveau des énergies renouvelables, la situation est meilleure, avec des retards et défauts contenus entre 0% et 2%.

Les chiffres du crowdfunding pourraient encore se dégrader

Pour ce qui concerne le financement de TPE et PME, les retards de remboursements de plus de six mois atteignent les 10% et les défauts 4%, tandis les projets en procédure collective se situent entre 6 et 8%. Ces chiffres sont d’autant inquiétants qu’ils ne concernent que les six premiers mois de l’année. Les indicateurs devraient encore se dégrader dans le second semestre, qui se termine dans quelques jours.

Le crowdfunding pris à la gorge par la remontée des taux d’intérêt

Bertrand Desportes, associé chez Forvis Mazars en charge du baromètre du marché semestriel, dit s’attendre à un repli de la collecte globale d’au moins 25% cette année. Une telle perspective affole les investisseurs. Ceux-ci se demandent comment le marché en est arrivé là. Si la remontée des taux d’intérêt a pris tout le monde à la gorge, il faut dire que les raisons de la crise du crowdfunding sont multiples. Sur les forums, certains se plaignent du soutien financier apporté aux porteurs de projet peu solvables.

Des garanties mal déposées

Ce manque de rigueur dans le suivi des financements par certaines plateformes aurait permis à des opérateurs de profiter de la vente de titres pour en financer de nouveaux, plutôt que de rembourser les obligataires du projet. Outre ces largesses, des investisseurs relèvent des garanties mal déposées, notamment au niveau des projets en fiducie. Enfin, certains acteurs pointent un large panel d’investisseurs, y compris des jeunes, plus novices en finance.

Vers une européanisation à marche forcée des plateformes ?

Face au mécontentement croissant, les plateformes pourraient faire face à une hausse des contentieux judiciaires. Il pourrait également survenir un durcissement des relations en raison du positionnement historique BtoC du marché. Les observateurs redoutent en outre une européanisation à marche forcée des plateformes. Celles-ci demanderaient alors un passeport de leur activité au sein de toute l’Union européenne, facilitant leur implantation dans de nouveaux marchés.