Géorgie : Un Etat, deux présidents
Le nouveau président de la Géorgie, Mikhaïl Kavelachvili, a prêté serment le dimanche 29 décembre, à huis clos. Son élection est contestée par l’opposition, conduite par la dirigeante sortante Salomé Zourabichvili. Celle-ci a finalement quitté le palais présidentiel, après avoir déclaré à plusieurs reprises qu’elle ne conserverait ses fonctions. Elle affirme toutefois demeurer la « présidente légitime » du pays, tandis que ses partisans continuent de se mobiliser dans les rues de Tbilissi.
Mikheïl Kavelachvili, président élu de la Géorgie, a prêté serment le dimanche 29 décembre, à huis clos. La procédure s’est déroulée sans aucun ambassadeur invité, signe d’une tension politique dans le pays. La présidente sortante, Salomé Zourabichvili, qui avait déclaré à plusieurs reprises qu’elle ne quitterait pas ses fonctions, a finalement abandonné le palais présidentiel. Mais elle affirme demeurer la « présidente légitime » du pays.
La Géorgie a reporté ses efforts d’intégration à l’UE à 2028
« Je reste la seule présidente légitime de la Géorgie. Je vais quitter le palais présidentiel pour me tenir à vos côtés, portant avec moi la légitimité, le drapeau et votre confiance », a insisté la dirigeante pro-européenne, au moment où Mikhaïl Kavelachvili prêtait serment au Parlement. Au moins 2.000 personnes étaient rassemblées dimanche matin devant ce bâtiment pour crier leur mécontentement. Mobilisés dans les rues de Tbilissi la veille, ces manifestants contestent depuis plusieurs semaines l’élection de Mikheïl Kavelachvili, connu pour ses prises de position ultraconservatrices et anti-occidentales.
Après les législatives du 26 octobre, remportées par son parti le Rêve géorgien, l’ancien footballeur avait été désigné président par un collège d’électeurs contrôlé par sa formation politique. Le 28 novembre, le Premier ministre, Irakli Kobakhidzé a exacerbé les tensions en annonçant le report des efforts d’intégration à l’UE de son pays à 2028. Cette déclaration a déclenché des manifestations pro-européennes quotidiennes qui n’ont pas cessé depuis et qui réunissent des milliers de personnes. Des heurts ont régulièrement lieu avec la police, provoquant l’arrestation de centaines de personnes.
Des influences russes, mais également occidentales
Si les opposants dénoncent des élections législatives entachées d’irrégularités, ils accusent aussi et surtout le Rêve géorgien, parti au pouvoir depuis 2012, d’être à la botte de Moscou. Mikheïl Kavelachvili, lui, se définit comme un simple nationaliste. « Notre histoire montre clairement qu’après d’innombrables luttes pour défendre notre patrie et nos traditions, la paix a toujours été l’un des principaux objectifs et l’une des principales valeurs du peuple géorgien », assure-t-il. Le nouveau président a également soutenu ne pas vouloir s’engager dans la guerre contre la Russie ou prendre position dans son conflit avec l’Ukraine.
Rappelons que la Russie a également envahi la Géorgie en 2008, au même motif de défendre les communautés russophones comme dans le Donbass. Il y a donc un certain ressentiment contre Moscou chez une partie de la population géorgienne. Compte tenu des relations historiques entre ces ex républiques soviétiques, il n’est pas incongru de dire que la Russie a un certain contrôle sur son petit voisin, comme sur un Etat satellite ou vassal. Mais l’influence ne vient pas que du pays de Vladimir Poutine. Ce qui se passe en Géorgie est un conflit entre pro-russes et pro-européens comme en Roumanie et en Moldavie.
La Géorgie a deux présidents en ce moment
On a vu des drapeaux de l’UE et des Etats Unis à des manifestations de l’opposition géorgienne, tandis que les dirigeants occidentaux apportent ouvertement leur soutien aux contestataires. Par ailleurs, Salomé Zourabichvili ne pourra pas nier ses liens étroits avec Bruxelles et Paris. Elle a fait l’essentiel de sa carrière de diplomate en tant que citoyenne française née en France de parents géorgiens, ayant fui les bolchéviques. Le Rêve géorgien accuse d’ailleurs la CIA et l’UE de financer l’opposition pour provoquer une révolution de couleur, comme celle de Maidan en Ukraine.
Le bras de fer entre le pouvoir géorgien et l’opposition n’est pas terminé, après la prestation de serment de Mikhaïl Kavelachvili. En effet, l’UE exige une reprise des élections comme en Roumanie où un candidat pro-russe l’avait emporté. Les manifestations vont certainement se poursuivre pour déboucher sur une impasse politique, à moins que le parti au pouvoir ne choisisse une répression sanglante. De facto, la Géorgie a actuellement deux présidents : Mikhaïl Kavelachvili, reconnu par Moscou et ses alliés, et Salomé Zourabichvili, par la communauté occidentale. Un scénario déjà vu au Venezuela récemment ou en Côte d’Ivoire en 2010.