Sénégal : Moody’s dégrade encore la note du pays

Après avoir baissé la note souveraine du Sénégal en octobre 2024 à B1, la catégorie très spéculative, Moodys’s a encore dégradé la note du pays en la faisant passer à B3. Cette décision risque de compliquer les capacités d’emprunt de l’État sénégalais et de renchérir le coût de son endettement. Elle met en rogne certains Sénégalais, qui pointent des biais dans les évaluations et réclament la création d’une agence africaine de notation.
Moody’s a la main lourde sur le Sénégal. En octobre dernier, à la suite de la publication du rapport d’audit de l’Inspection générale des finances (IGF) sur l’état des finances publiques, l’agence de notation américaine avait abaissé la note du Sénégal de « Ba3 », la catégorie spéculative, à « B1 », la catégorie très spéculative. Le vendredi 21 février, elle a dégradé à nouveau cette note, de deux crans, la faisant passer de B1 à B3 avec une « perspective négative ». Une première depuis vingt ans pour ce pays d’Afrique de l’ouest.
Le Sénégal plus exposé aux chocs défavorables
Moody’s explique que la nouvelle dégradation de la note souveraine du Sénégal est due aux indicateurs budgétaires nettement plus défavorables révélés par la Cour des comptes. Selon l’agence, « l’ampleur et la nature des écarts limitent considérablement la marge de manœuvre budgétaire » du pays et « contribuent à des besoins de financement élevés ». Moody’s pointe en particulier d’importantes carences en matière de gouvernance. Elle estime que le Sénégal est plus exposé aux chocs défavorables qu’elle ne s’y attendait auparavant.
Un maquillage des comptes sous Macky Sall
Publié le 13 février 2025, le rapport de la Cour des comptes avait validé l’audit de l’Inspection générale des finances (IGF) qui remettait elle-même en cause les chiffres officiels présentés sous l’ancien pouvoir de Macky Sall. La Cour relève, notamment, un maquillage des comptes publics avec une dette publique et un déficit budgétaire nettement plus importants qu’annoncés entre mars 2019 et le 31 mars 2024 (prise du pouvoir par Ousmane Sonko).
Le Sénégal a une dette bancaire importante contractée hors circuit budgétaire
En effet, l’encours de la dette représentait 99,67 % du PIB, un taux « supérieur » au montant annoncé par le précédent régime (65,6%). Quant au déficit budgétaire, il pesait 12,3% du PIB, contre 4,9 % annoncés auparavant. La Cour a évoqué « une dette bancaire importante contractée hors circuit budgétaire » et « non retracée dans les comptes de l’État ». Elle a également déclaré que les faits relatés sont « présumés constitutifs de fautes de gestion, de gestions de fait ou d’infractions à caractère pénal ».
De possibles poursuites judiciaires contre les auteurs de « manquements graves »
Devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a qualifié ce rapport de « particulièrement catastrophique et inquiétant ». Il a annoncé des mesures de rationalisation et un audit d’ici à la fin du mois d’avril de l’effectif réel dans la fonction publique. Le gouvernement a en outre prévu de possibles poursuites judiciaires contre les auteurs de « manquements graves » révélés par le rapport de la Cour des comptes.
Le Sénégal désormais classé dans les investissements à risque
En tout cas l’Etat sénégalais devra réagir au plus vite. Cette décision de Moody’s de dégrader sa note souveraine va renchérir les emprunts du pays de la Teranga, déjà dans une situation budgétaire difficile. En effet, le Sénégal est désormais classé dans les investissements à risque. Par conséquent, il sera soumis à des taux d’intérêts beaucoup plus élevés pour emprunter. Cette situation ne plait pas à certains Sénégalais qui y voient un acharnement de Moody’s.
Des États occidentaux mieux notés malgré leur dette colossale
Pour ces Sénégalais, les agences internationales comme Moody’s, S&P et Fitch sont remplies de biais ne permettant pas de bien juger de la solvabilité des pays africains, dont elles ne connaissent pas les réalités. Ces citoyens sont d’autant offusqués que des États fortement endettés comme les États-Unis (une dette américaine à 125 % du PIB, le Royaume-Uni (100 %) et la France (112%) continuent de bénéficier de notes confortables leur permettant d’emprunter à des taux ridicules.
Vers la création d’une agence panafricaine de notation
Les Sénégalais pensent aussi que la solvabilité devrait s’évaluer à l’aulne des richesses réelles comme l’or, le lithium et le cobalt. A ce niveau, les pays africains ont été gâtés par la nature. Leurs plaintes seront peut-être bientôt entendues avec la création, en juin prochain, d’une agence de notation panafricaine. Les dirigeants africains doivent se réunir ce vendredi au siège de l’UA, à Addis-Abeba (Ethiopie), pour parler de cette agence qui devrait se concentrer sur les économies africaines. Elle intégrera des données et des indicateurs socio-économiques spécifiques à chaque région